Antoine Walsh
Antoine Walsh, né le 22 janvier 1703 à Saint-Malo, mort le 2 mars 1763 au Cap-Français (Saint-Domingue), est un homme politique du groupe des jacobites irlandais installés à Nantes et un des plus importants homme d'affaires de Nantes au XVIIIe siècle, notamment en tant qu'armateur négrier.
Biographie
Présentation
Fils de Phillip Walsh, d'une famille de réfugiés jacobites en France, l'une des premières fortunes de la ville, un généreux donateur catholique et un entrepreneur de la traite négrière dans les années 1750, où elle prend le plus d'ampleur, la natalité chez les esclaves restant très faible[1].
Antoine Walsh organisa 46 voyages de commerce triangulaire dont sept pour la seule année 1751, après avoir créé le 7 septembre 1748 la fameuse Société d'Angola, au capital de deux millions de livres, en anticipant d'un mois sur la fin de la guerre de Succession. Parmi ses associés, des hommes d'affaires parisiens, tels que Jean Paris de Monmartel, Tourton et Baur. Cette activité, freinée par un durcissement fiscal en 1754, est paralysée en 1757 par la guerre de Sept Ans[1].
Issu de l'émigration jacobites des irlandais nantais, datant des guerres contre Olivier Cromwell et accélérée sous Louis XIV, soutien de Jacques II, le roi catholique déchu par la Glorieuse Révolution de 1688, Antoine Walsh est un financier des rébellions jacobites. Le traité de Limerick, signé avec le nouveau gouvernement parlementaire anglais, permit à vingt mille jacobites, appelé les oies sauvages, d'émigrer en France et en Espagne mais Jacques II débarque en Irlande en 1706 et 1715, avec l'armée française. Son petit-fils le prince Charles Édouard Stuart lance en 1745 une opération militaire contre l'Écosse, financée par Antoine Walsh[2], qui est alors fait comte et pair d'Irlande, tandis que son frère est député de France à Cadix.
Le fils d'un proche du roi d'Angleterre Jacques II
C'est sur le navire de son père Phillip Walsh, armateur à Saint-Malo et capitaine-corsaire que le roi Jacques II d'Angleterre s'exile en France en 1688, après la Glorieuse Révolution.
Nantes est le port auquel Louis XIV, fidèle soutien des jacobites, apporta un soutien régulier au moment de l'essor de Saint-Domingue, soutien qui en fait à la fois le premier port négrier d'Europe et le départ des rébellions jacobites. La place de Nantes a cependant été précédée par celle de Saint-Malo, où la plupart des officiers de la guerre des neuf ans sont des jacobites[3], les Walsh étant accompagnés de Butler, Murphy et Withe.
Actifs dans le grand commerce maritime, les jacobites irlandais maintiennent des relations avec l'Irlande jusqu'à en 1741, l'année de la dernière tentative de débarquement en Irlande, après les échecs de 1708 et 1715 en Écosse. En 1745, c'est à nouveau en Écosse qu'Antoine Walsh finance un expédition visant à remettre sur le trône Charles Édouard Stuart, le petit-fils de Jacques II. Il stocke à cet effet quelques 11.000 mousquets dans l'un de ses entrepôts à Nantes[4].
Soutenue par une partie des chefs de clans, l'opération militaire tourne au fiasco lors de la bataille de Culloden. Cette succession de conflits militaires amène la Grande-Bretagne à favoriser les Highland Clearances en Écosse, pour priver de troupes les chefs jacobites, qui sont transformés en propriétaires terriens.
Un lobbyiste des planteurs de Saint-Domingue
Dans les années 1739 à 1744, Antoine Walsh mène une intense campagne de lobbying contre la taxe de dix livres par esclave importé à Saint-Domingue, qui vise à renflouer les caisses du royaume, exsangues après les guerres de Louis XIV et la tentative infructueuse pour éponger les dettes, déployée en 1720 avec le système de Law. En 1788, la taxe sur l'importation d'esclaves ne représente que 4% des richesses produites par Saint-Domingue soit 2 millions de francs sur 48[5].
En 1741 et 1743, il achète deux plantations à Saint-Domingue, où il rejoint d'autres planteurs sucriers jacobites comme la famille O'Gorman, ou encore Edmond O'Rourke, Nicolas De Lucker, Claude-Mathieu Mac Nemara, Thomas Sutton de Clonard, Luc-Edmond Stapleton et Jean-Baptiste Hooke, tous aux prénoms français. Bilingues, cosmopolites, entrepreneurs, ces planteurs deviendront des réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique qui n'auront aucun mal à s'installer en Louisiane à partir de 1794 au moment de la révolution haïtienne, et à se lancer dans la culture du coton, qui est commencée en Louisiane dès 1740.
Ils se concentrèrent ensuite sur les esclaves vers les Antilles, qui représente un tiers du commerce des jacobites contre un sixième pour la moyenne des autres marchands nantais. Sur 2498 navires entrés à Nantes entre 1733 et 1741, on ne compte pas moins de 471 en provenance des différents ports irlandais[6]. Parmi eux, Jean Stapleton, négociant et planteur à Saint-Domingue et de nombreux négociants qui épousent des filles de l'aristocratie nantaise.
Le premier armateur de Nantes en 1748, avec une société de 2 millions de livres
La famille Walsh créé le 7 septembre 1748 la société d’Angola, qui a pour but de pratiquer la traite des Noirs le long de la côte éponyme, avec un capital de 1 600 000 livres (dans les faits 2 millions de livres tournois sont réunies. Elle contrôle à elle seule 28% de tous les armements négriers de Nantes[7]. Avec la Société Grou et Michel, son grand rival à Nantes, contrôlé par la famille parisienne de Jean-Baptiste Grou, arrivé à Nantes en 1689 à l'âge de 20 ans[8]., c'est 49% de la traite qui est entre les mains de deux armateurs. En novembre 1748, la Société Grou et Michel fusionne avec d'autres pour se fondre dans la Compagnie de Guinée au capital de 2,4 millions de livres. Parmi les financiers, le fermier général Charles-Claude-Ange Dupleix, frère de Joseph François, gouverneur des établissements français aux Indes, apporte 560 000 livres.
La liste des 26 actionnaires de la société d’Angola ne comprend qu'un autre Nantais, Du Chatel, pour 175 000 livres, qui n'est autre que le fils du banquier Antoine Crozat. La haute finance parisienne et l’administration supérieure de la Compagnie des Indes sont mieux représentés : le financier Jean Paris de Monmartel investit 375 000 livres, les banquiers Tourton et Baur 375 000 livres chacun, et Michau de Montaran, commissaire du roi auprès de la Compagnie et ancien trésorier des États de Bretagne, investit 50.000 livres.
Du sucre au statut de propriétaire foncier dans l'arrière-pays nantais
Les années 1740 furent celles de la conquête des terres du Sud à Saint-Domingue, où la mise en valeur du café et du coton, en plus du sucre, permet un accroissement des fortunes, qu'il faut réinvestir ou placer. La moyenne d'apport dans des mariages entre époux jacobites passe ainsi de 28.000 à 54.000 livres entre le premier et le deuxième quart de siècle à Nantes.
En 1749, Antoine Walsh acquiert pour le compte de son frère François Jacques Walsh, qui a la charge officielle de député de France à Cadix en Espagne, le château et la seigneurie de Serrant, en Anjou, pour la somme de 840 000 livres, à l'image de nombre de planteurs et armateurs du sucre ou des esclaves qui recyclent leurs capitaux dans les placements fonciers.
Son ami Jean Stapleton, autre armateur jacobite de Nantes, avait acheté en 1732 une plantation à Saint-Domingue, où son grand-père du même nom, mort en 1698, était déjà planteur au cœur d'un réseau d'affaires jacobite allant de Montserrat à Galway, créé par William Stapleton, en passant par La Rochelle et Nantes[9].
Il investit ensuite dans une série de propriétés foncières, prieurés et baronnies qui lui permettent de fonder en 1747, un empire immobilier, le "comté de Trèves"[10].
La bâtisse, située au bord de l'actuelle route de Coulonges à Fontenay-le-Comte, semble avoir subi peu de modifications jusqu'à l'arrivée de Antoine Walsh, dit le chevalier Walsh, en 1776. Le nouveau seigneur fait alors construire durant les années 1780, près de l'ancienne demeure, le château que nous connaissons actuellement.
En 1791, après avoir reçu des nouvelles alarmistes de Saint-Domingue où la famille possède des plantations, Antoine Walsh quitte la France accompagné de son gendre. Là-bas, pour échapper au massacre des blancs par les anciens esclaves, il s'embarque sur une corvette dénommée la Fine, laquelle, incapable de tenir la mer, périt corps et biens près des côtes de Virginie au mois d'octobre 1793.
En 1807, la veuve et les filles Walsh vendent la terre de Chassenon à Jean-Joachim Möller. Ce dernier, né en Norvège en 1754, est un riche négociant de Hambourg que le roi du Danemark avait promu consul à Nantes quelques années avant la Révolution. À son décès en 1819, le domaine passe aux mains de son fils Ignace Möller, premier maire de Xanton-Chassenon en 1828, puis d'Ernest Möller, à la mort de son père en 1841.
Il épouse en 1753 à Nantes Mary O'Shiell, fille de Luc O'Shiell, devenu l'un des plus riches armateurs de la ville. Leur fille Anne Walsh se marie en 1780 avec le lieutenant de vaisseau Pierre-François de Bardon.
La participation du régiment Walsh à la guerre d'indépendance américaine
Après la glorieuse révolution, les jacobites émigrèrent en France sur une flotte de 50 navires partie de Cork en 1691. Louis XIV accueillit ces militaires irlandais et fonda pour eux la brigade irlandaise, formée de trois régiments, dont l'un, dirigé par le grand père d'Antoine, sera renommé régiment Walsh en 1770, sous la direction du neveu d'Antoine, né à Cadix, où vit une autre colonie d'officiers et armateurs jacobites.
La participation à la guerre d'indépendance américaine de deux régiments dirigés par des Irlandais de Nantes, le régiment Dillon et le régiment Walsh, permit de faire reculer la marine anglaise dans les Antilles puis de les faire plier lors du décisif siège de Savannah, en Géorgie[11]. Les officiers irlandais se mêlent à de nombreux futurs réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique, dans une armada commandée par l'amiral d'Estaing. Parmi eux, le général Arthur Dillon, qui a succédé à l'amiral d'Estaing à la tête de 10 000 hommes, et le général James O'Moran seront faits membres de la Société des Cincinnati par George Washington, puis guillotinés tous les deux à la Révolution française.
Voir aussi
Bibliographie
- Patrick Clarke de Dromantin, Les Réfugiés jacobites dans la France du XVIIIe siècle, avec la liste des noms de jacobites de Nantes.
Liens externes
Articles connexes
Références
- http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1971_num_26_1_5087
- http://books.google.fr/books?id=_dPyI1WvuVcC&pg=PA437&dq=Histoire+de+Saint+Domingue+jacobites&lr=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES#PPA85,M1
- http://books.google.fr/books?id=xmWS0DK-3BUC&pg=PA145&dq=%22luc+O'Shiell%22+jacobites&lr=&ei=ielIS5_MGYO-zASN0-nsDQ&cd=8#v=onepage&q=&f=false
- http://books.google.fr/books?id=WlnNUCS4R_MC&pg=PA76&dq=%22antoine+walsh%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES#PPA76,M1
- http://books.google.fr/books?id=3p1aAAAAQAAJ&pg=PA133&dq=l%27Histoire+de+Saint-+Domingue+du+p%C3%A8re+Charlevoix,#PPA138,M1
- Les réfugiés jacobites dans la France du XVIIIe siècle
- http://www.esclavages.cnrs.fr/IMG/pdf/Bernard_Michon_Nantes_et_la_traite_negriere.pdf
- http://books.google.fr/books?id=L04YAAAAYAAJ&q=%22jean-baptiste+grou%22&dq=%22jean-baptiste+grou%22&lr=&ei=VrAQScurBIyYyATd8rjwBw&pgis=1
- http://books.google.fr/books?id=_dPyI1WvuVcC&printsec=frontcover&dq=Patrick+Clarke+de+Dromantin,+Les+r%C3%A9fugi%C3%A9s+jacobites+dans+la+France+du+XVIIIe+si%C3%A8cle.+L%27exode+de+toute+une+noblesse+pour+cause+de+religion&ei=uF7SSLfTLILmygSylpCDCA&sig=ACfU3U1if2VctgyWTx5e1LS1N-NzIQ_yrw#PPA413,M1
- http://books.google.fr/books?id=_dPyI1WvuVcC&printsec=frontcover&dq=Patrick+Clarke+de+Dromantin,+Les+r%C3%A9fugi%C3%A9s+jacobites+dans+la+France+du+XVIIIe+si%C3%A8cle.+L%27exode+de+toute+une+noblesse+pour+cause+de+religion&ei=uF7SSLfTLILmygSylpCDCA&sig=ACfU3U1if2VctgyWTx5e1LS1N-NzIQ_yrw#PPA144,M1
- http://books.google.fr/books?id=_dPyI1WvuVcC&pg=PA437&dq=Histoire+de+Saint+Domingue+jacobites&lr=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES#PPA203,M1